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Dune

26/09/2021

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Après Premier Contact et Blade Runner 2049, Denis Villeneuve continue son chemin dans le genre de la science-fiction en s’attaquant à Dune, reconnu comme une œuvre majeure. Adapter le roman de Frank Herbert est un pari audacieux tant l’œuvre est connu justement pour être inadaptable. Villeneuve a-t-il réussi à relever ce défi ?

DUNE raconte l'histoire de Paul Atreides, jeune homme aussi doué que brillant, voué à connaître un destin hors du commun qui le dépasse totalement. Car s'il veut préserver l'avenir de sa famille et de son peuple, il devra se rendre sur la planète la plus dangereuse de l'univers – la seule à même de fournir la ressource la plus précieuse au monde, capable de décupler la puissance de l'humanité. Tandis que des forces maléfiques se disputent le contrôle de cette planète, seuls ceux qui parviennent à dominer leur peur pourront survivre…

Le film commence et le titre arrive après quelques minutes : « Dune – Première partie ». Déjà, ça partait mal car même s’il est évident que la densité du roman de Herbert ne pouvait être contenue dans un seul film, le fait d’annoncer d’emblée que l’histoire ne connaîtra pas de fin tout de suite a de quoi déplaire car il est souvent difficile de faire en sorte qu’un film contienne un début, un milieu et une fin lorsqu’il appartient à un ensemble, un diptyque aux dernières nouvelles. Et c’est ce qui arrive avec Dune. Cette première partie est un début qui ressemble plus à un long prologue préparant le terrain pour la suite. En fait, le film de Villeneuve consiste au début du voyage du héros pour reprendre le concept de Joseph Campbell, en s’arrêtant d’une certaine manière au moment du passage du seuil vers le monde extraordinaire, ouvrant ainsi la voie pour la suite qui constituerait le cœur de l’histoire, soit les péripéties et le retour au monde ordinaire. Bien sûr, cette structure narrative est déjà là mais de manière incomplète et on sent que c’est un film qui ne peut réellement prendre toute son ampleur seul car la fin n’est que le début. Cela en fait un film compliqué à juger seul tant il semble construit dans un ensemble, avec notamment des couleurs qui deviennent légèrement plus vives et saturées sur la fin, comme si la vision devenait peu à peu réalité, que les couleurs revenaient au fur et à mesure que le personnage avance. Or, un film, même s’il s’inscrit dans un ensemble, se doit d’être possiblement vu seul et dans ce cas, ce premier volet est fade à plusieurs niveaux.

D’une part, Dune baigne dans des tons gris et ternes, avec des couleurs souvent désaturées à l’exception de scènes spécifiques. Certes, il y a probablement là un jeu entre le monde réel et les visions des personnages mais ça empêche certains passages, notamment les séquences dans le désert, d’être véritablement époustouflantes tant les couleurs de ce milieu ne sont pas exploitées à leur juste valeur. D’autre part, le film de Villeneuve repose principalement sur son esthétique. Certes, il est difficile de rester insensible face à certaines scènes. La séquence du sauvetage dans le désert durant la première heure de film est un moment de tension parfaitement mis en scène, avec un jeu sur la temporalité où la lenteur et un découpage rigoureux en quelques plans contrastent avec l’urgence de la situation. La tension n’est pas exagérée mais amenée peu à peu, ce qui fait que l’effet est réussi, ce qui n’est malheureusement pas le cas pour la majeure partie des autres séquences. Par ailleurs, les combats sont bien chorégraphiés et le cadrage permet à ces scènes d’actions d’êtres lisibles, ce qui est loin d’être courant dans les productions à gros budget actuelles malgré des tentatives de renouer avec un montage dynamique sans pour autant tomber dans un ultra-découpage de la scène. La photographie ainsi que le cadrage sont quant à eux soignés, il y a de nombreux plans qui sont très beaux, d’autant plus que les effets spéciaux sont réussis. Visuellement, ce film est une réussite mais cela ne suffit pas pour en faire un bon film.

En effet, une esthétique raffinée sans une bonne histoire n’est pas satisfaisante. Le scénario est l’un des points faibles de ce long-métrage. Il y a un paradoxe avec une histoire qui se révèle à la fois simple et complexe. Le scénario est clair au niveau de l’ensemble, les enjeux principaux sont lisibles mais c’est finalement trop simplifié vu la densité de l’histoire originale à tel point que l’on peut regretter un manque de profondeur et de développement de certains aspects ou personnages. Mais en même temps, l’histoire est compliquée, surtout pour les spectateurs qui ne connaissent pas le roman, car il y a beaucoup de termes, de noms et les rares explications sont évasives et ne permettent pas de réellement bien comprendre tout ce qu’il se passe.

 

Plusieurs éléments sont éludés, les personnages sont présentés succinctement et beaucoup de questions restent en suspens : quel est cet objet ?  Quelle est la place de la technologie dans cet univers ? Pourquoi ce type d’armes et pas un autre ? qui est qui ? Qui sont les membres du Bene Gesserit ? Qui sont les autres grandes familles ? Qui sont les autres peuples ? A quelle espèce appartiennent-ils ? car, oui, plusieurs éléments indiquent explicitement que l’espèce humaine n’est pas la seule espèce de Dune alors-même que tous les personnages ont une apparence humaine. Une autre question, plus importante, arrive également en tête après coup : où est passé ***? Pas de spoilers ici mais en voyant le film, vous saurez de quel personnage il est question. Une séquence débute, une scène est entamée mais ne connaîtra jamais de fin à cause d’une intrigue qui doit avancer et, donc, il faut passer à une autre scène puis à une autre séquence sans jamais donner d’indice ou d’informations par rapport à ce personnage, qui n’est pas le seul à connaître ce sort. Le spectateur se retrouve donc avec des suppositions et un goût amer d’inachevé se fait sentir. 

On peut comprendre que Denis Villeneuve et les deux autres scénaristes, Eric Roth et Jon Spaihts, aient voulu aller à l’essentiel mais cela conduit immanquablement à des manques et à des vides qui auraient dû être comblés sans quoi l’histoire ne tient pas. Cela conduit à un autre paradoxe avec Villeneuve qui veut prendre son temps tout en allant très vite à cause des contraintes du format long-métrage. Cela se ressent aussi par moment dans le montage qui, bien que marqué par un grand nombre de plans longs, est en de rares fois trop découpé, en particulier lors de la séquence d’introduction. On commence à peine à apprécier le plan qu’il y a une coupe et qu’on arrive sur un autre plan. Il y a ce sentiment d’urgence, du fait qu’il faut avancer et qu’on ne peut pas prendre le temps qui est désagréable.

Qui plus est, il y a un manque profond d’émotions. On ne ressent pratiquement rien devant ce film. Une ou deux répliques peuvent faire sourire, et encore, la plupart des touches humoristiques ne fonctionnent pas et sont du même acabit que celles du MCU, amusant vu les propos qu’a tenu Villeneuve à propos des films Marvel il y a quelques semaines. Pour le reste, c’est le calme plat au niveau émotionnel. Le beau casting composé notamment d’Oscar Isaac, Rebecca Ferguson, Timothée Chalamet, Stellan Skarsgård, Javier Bardem, Josh Brolin, Charlotte Rampling et Zendaya ne parvient pas à sauver la mise et leurs personnages sont présentés d’une manière telle qu’il n’est pas possible de s’attacher à eux et de ce fait, ce qui leur arrive laisse le spectateur indifférent.

Ce ne sont pas non plus les incohérences ni les passages qui frôlent le ridicule, qui mériteraient à eux-seuls un article entier, qui vont aider à faire de ce long-métrage un chef-d’œuvre. Sans trop entrer dans les détails, Villeneuve use de stéréotypes datés pour caractériser ses personnages, notamment ses antagonistes, le plan de l’Empereur Palpatine, pardon de l’Empereur Padishah Shaddam IV ne fait aucun sens vu la méthode employée car elle implique de détruire des ressources essentielles pour la survie et l’ordre interplanétaire et les Stormtroopers, ah non, les Sardaukars pardon, les troupes de l’Imperium, sont censées être des soldats d’élites sanguinaires mais ont parfois des réactions totalement inappropriées vu leur statut. Ce ne sont là que quelques exemples mais ils sont déjà suffisants pour empêcher de rentrer dans l’histoire.

La musique de Hans Zimmer aurait pu contribuer à rehausser le tout mais, même si elle accompagne bien les scènes et donne un petit plus notamment avec les chœurs qui sont assez puissants, elle est trop présente et couvre le reste à tel point qu’elle devient insupportable tant elle est assourdissante.

Avec Dune, Denis Villeneuve nous propose une histoire qui est intéressante mais qui pâtit de deux problèmes. D’un côté, la structure narrative a déjà été vue et revue mais le problème n’est pas tant l’intrigue originale mais le fait que Dune arrive doute trop tard et apparaît comme une sorte de mélange entre Star Wars et Game of Thrones sans pour autant être tout aussi percutant que ces deux œuvres. D’un autre côté, l’histoire demande un développement assez long et peine donc à convaincre sur un format long-métrage.

Ainsi, un film de 2h35 ne peut suffire à englober la richesse et la complexité de l’univers de Dune et on peut douter qu’un second long-métrage d’une durée équivalente soit suffisant. Face à un film aussi décevant, difficile de ne pas se dire que vouloir à tout prix faire de Dune une œuvre cinématographique, c’est l’empêcher de développer pleinement son potentiel et de devenir le chef-d’œuvre tant espéré.

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